On sait qu'il s'agit là du cœur de métier de l'INA en France.
Ailleurs, la question se pose avec tout autant d'acuité à l'heure où la
dématérialisation des contenus pose la question de la pérennité des
contenus multimédias.
Une série d'articles sur le site du MoMA
vient faire le point sur cette question, avec une vidéo à l'appui, qui
présente Binder, un outil logiciel pour la gestion de la conservation
des données numériques.
Revenons
au MoMA. Un problème particulier de conservation des médias concerne
les collections vidéo du MoMA. Peter Oleksik a développé cette question
dans un article intitulé Digitizing MoMA's Video Collection.
Il décrit comment les conservateurs ont du se confronter à la
multiplicité des formats vidéo existant dans la collection, ce qui leur
demandait des connaissances techniques précises afin de réaliser la
migration vers des supports numériques, dématérialisés (là aussi s'est
posée la question du choix des formats de fichiers).
Les
problèmes sont donc multiples, et pour bien saisir leur portée, il est
possible de se référer à un exemple précis : celui du transfert d'une
œuvre de Nancy Holt et Ricard Serra, Boomerang (1974). Le
"master" de ce travail était enregistré sur une bande 2 pouces
Quadraplex, et après quelque temps, elle avait aussi été enregistrée sur
bande 3/4 de pouce U-Matic, sur Betacam SP et dans un fichier vidéo. La
question qui se pose c'est comment a été réalisé ce processus de
migration ? Quels outils techniques ont été utilisés par les personnels
en charge de ce travail ? Pour être précis, le transfert du Betacam SP
vers un fichier vidéo avait été réalisé d'abord à travers un
magnétoscope numérique Sony DVW-A500 comme lecteur, et une carte
d'acquisition BlackMagic Decklink Studio. Dans la plupart des cas, les
conservateurs disposent d'une information précise concernant cette
chaine, ou bien ils peuvent effectuer des inférences à propos des
dispositifs utilisés. Ils établiront ainsi une sorte d'historique des
traitements effectués autour de cette œuvre.
L'information
dans ce "flux de travail" (workflow) est enregistrée dans des formats
le plus souvent propriétaires, ce qui ne facilite pas la tâche de ceux
qui ne sont pas informaticiens. C'est là qu'intervient Binder, qui est
une application qui facilite les relations entre différentes itérations.
Ce système est utilisé pour enregistrer puis pour accéder aux
différents processus dans un format open source standard. L'historique
des processus ainsi réalisés est enregistré dans un fichier XML, ce qui
permet de récupérer des tags descriptifs qui indiquent ce que chaque
morceau de texte représente. Exemple : le numéro de série d'un
magnétoscope DVW-A500 pourrait être encodé dans un tag appelé "numéro de
série".
On
comprend assez rapidement que la quantité de travail à effectuer pour
classer de telles œuvres devient rapidement très importante. A ce jour,
la musée dispose de plus de 1600 travaux réalisés en vidéo - une
collection qui remonte en fait aux tous débuts de "l'art vidéo", et qui
prend place dans ne collection de plus de 6000 vidéo. Le MoMA s'est très
tôt illustré par son intérêt pour ces nouvelles technologies de
l'époque. Trois ans seulement aprsè l'apparition du Portapak (le premier
enregistreur vidéo postable), le MoMA projetait une œuvre de Nam June
Paik, Lindsay Tape (1967) dans le cadre de l'exposition de 1968 intitulée The Machine as Seen at the End of the Mechanical Age,
organisée par K. G. Pontus Hulten. La pièce était composée de deux
magnétoscopes avec des bandes d'un demi pouce, éloignés de 3 mètres l'un
de l'autre, avec une bande qui se dévidait d'un magnétoscope tout en
étant rembobinée dans l'autre, et cela dans une boucle continue. Au bout
d'une semaine de ce traitement, la bande (qui était en fait l'original
d'un travail précédent de Paik) a du être arrêtée faute de quoi elle
aurait probablement été perdue...
Photo de l'installation ci-dessous :
La
vidéo est un médium aux caractéristiques inextricablement liées à
celles d'une industrie dans laquelle les avancées technologiques sont
très rapides et provoquent régulièrement des remises en question non
seulement des équipements et des systèmes, mais aussi des questions
relatives au travail, dans son essence même et dans sa finalité.
La
transformation rapide et quasi incessante qu'ont connus les supports et
les formats d'enregistrement ont ainsi conduit à passer successivement
de la cassette VHS au DVD, puis maintenant directement à Netflix
pourrait-on dire - c'est à dire plus exactement au streaming, ce qui
pose bien sûr la question même de la pérennité des œuvres à travers des
problématiques telles que celles relatives au droit d'auteur par
exemple. Que vaut réellement un film qui peut être téléchargé des
milliers de fois, faire l'objet d'une consommation instantanée, puis
être relégué aux oubliettes dans un musée ou pire, dans la vidéothèque
d'une société de production ou d'un distributeur anonyme ? que
deviendront les films qui ne seront pas estampillés "œuvres d'art"
susceptibles de faire partie du patrimoine et donc d'une sauvegarde dans
des institutions culturelles ?
En
France, c'est l'INA qui est le maitre d’œuvre principal de l'archivage
des médias audiovisuels. Son rôle, cependant, va bien au-delà des
problèmes de conservation des œuvres vidéo d'un musée, même aussi
important que le MoMA.
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