lundi 2 décembre 2013

ARRI ALEXA vs CANON C500 : ces comparaisons ont-elles un intérêt ?



C'est bien évidemment une des grandes tendances des sites vidéo et D-Cinéma : les mises en relation du genre compétition entre caméras et entre caméras et DSLR (par exemple) se retrouvent à peu près partout, avec des "tests" supposés approfondis et objectifs. On fera cependant remarquer - brièvement - que la plupart des acheteurs potentiels sont obligés de se contenter, pour faire leur choix, des dépliants édités par les constructeurs, des visites des commerciaux (orientées bien sûr) et des "produits" réellement tournés et visionnés sur grand écran ou sur des téléviseurs à peu près corrects.
Au moment où on redéfinit les orientations et les évolutions en matière d'équipements de différents cursus d'enseignement du cinéma et de l'audiovisuel en général, il est évidemment gênant de constater que des choix d'équipements vont se faire, encore une fois, au petit bonheur la chance, avec assez peu de paramètres techniques pris en compte et des différences d'appréciation très importantes dans la manière dont sont regardées les mêmes images par les uns et par les autres.
Il y a eu une époque, pas si lointaine, où l'achat de caméras par une structure importante (une chaine de télévision par exemple) nécessitait le prêt et la mise en relation sur des bancs de test plutôt élaborés de caméras provenant de trois ou quatre constructeurs. Ces tests duraient en général une bonne dizaine de jours et certains constructeurs étaient amenés à effectuer des modifications sur les équipements proposés à la suite des conclusions et des remarques de leurs clients potentiels.
Il est évidemment regrettable que les choix d'équipements dans des structures amenées à former de futurs techniciens de l'audiovisuel soient effectués sans réelle concertation entre les formateurs, ni prise en compte d'ailleurs de leurs remarques par leur hiérarchie.
On pourra toujours se baser sur le genre de comparaison que l'on trouve sur le blog de Shane Hurlbut, avec bien entendu toutes les réserves qu'impliquent des tests effectués en dehors des conditions réelles d'un tournage et d'un travail consécutif en post-production. Quid des paramètres propres à chaque caméra et qui peuvent demander des réglages fins pour obtenir des images optimales (ou du moins conformes aux desiderata d'une production donnée) ? Comment évaluer les compromis techniques effectués par les constructeurs et qui se traduisent par des différences en termes de performance, de prix et d'ergonomie ?
Une caméra telle que la Blackmagic Cinema Camera est-elle comparable à une F5 ou une C300, alors même qu'elle dispose de l'enregistrement en RAW (CinemaDNG) dès sa version de base ? 
Signalons par ailleurs l'organisation en 2012, par la firme américaine Zacuto, d'un "contest" appelé The Great Camera Shootout, qui donna lieu à des évaluations intéressantes entre différentes caméras et DSLR au cours de tests techniques et de situations de tournage assez proches de la réalité... Encore une fois avec toutes les réserves que ce genre de test appelle, où l'on voit un GH3 faire mieux qu'une F3.



samedi 23 novembre 2013

Comment créer un DCP et l'utiliser avec profit pour diffuser vos œuvres

Une question récurrente ces jours-ci (en phase avec nos précédentes publications) : comment créer un DCP ou Digital Cinema Package, et comment l'exporter et ensuite l'utiliser dans un projecteur numérique de D-Cinéma. Il existe bien sûr différentes solutions, dont certaines en open source, d'autres très "pro" qui coûtent très cher ou assez cher, et d'autres encore sous forme de plug-in, pour Adobe Premiere Pro ou Final Cut Pro, par exemple.



Mais d'abord, qu'est-ce qu'un DCP ?
Q. : Qu'est-ce qu'un Digital Cinema Package  (DCP) ?
R.: Un DCP est l'équivalent numérique d'une copie 35mm en argentique. C'est l'ensemble des fichiers sauvegardés sur un disque dur, et fournis aux exploitants de salles de cinéma. Les fichiers sont compressés à partir d'un master appelé Digital Cinema Distribution Master (DCDM), et comprennent le film (image, son, métadonnées, etc.) et le cryptage le protégeant d'un éventuel piratage. Un DCP est généralement composé de fichiers MXF (Material Exchange Format) et XML, et les images sont encodées en JPEG-2000. Le DCP est aujourd'hui un standard, ce qui simplifie sa diffusion et son utilisation.

Q.: Pourquoi faire un DCP plutôt qu'une copie 35mm classique ?
R.: Il faut déjà se rendre compte que la diffusion de la projection de films en numérique a pris une importance telle, ces dernières années, qu'il n'est plus possible, pour un exploitant, de prétendre obtenir n'importe quelle copie des films qu'il compte projeter, en 35mm comme autrefois. Pour se rendre compte de l'évolution du cinéma vers le numérique, quelques chiffres (empruntés à David Bordwell, Pandora's Digital Box, p. 9 et suivantes) : en décembre 2000, il y avait environ 164000 écrans de par le monde, et seulement une trentaine de projecteurs numériques. Cinq ans plus tard, ils étaient 848. Fin 2010, 36103 écrans étaient réservés à la projection en numérique, soit environ 30 pour cent du total. Fin 2011, 80 pour cent des films distribués en Grande Bretagne l'étaient en numérique, et en Belgique les deux principaux exploitants, Kinepolis et UGC, sont passés au numérique dans l'ensemble de leurs salles. En Norvège, toutes les salles sont passées à la projection en numérique cette année-là, surtout en raison de subventions gouvernementales qui ont accéléré la transition. Au jour d'aujourd'hui, certaines majors (Twentieth Century Fox, par exemple) ont tout simplement cessé de produire des copies 35mm et bon nombre de salles n'ont tout simplement plus de projecteurs 35mm à leur disposition !
Une autre raison tient au facteur prix : pour obtenir une copie 35mm d'un film tourné en numérique et post-produit sur les systèmes de montage actuels, il faudra effectuer un "filmout", c'est à dire le processus qui consiste à convertir des fichiers numériques en film. Le coût pour un long métrage est évalué à 40 K$ environ (chiffre fourni par dcpinfo.com).
Bien évidemment il y a aussi le facteur qualité, puisqu'un fichier ne sera pas dégradé par de multiples passages dans le projecteur, contrairement à la copie film. Après, bien sûr il y a le coût du DCP.




Q.: Combien ça coûte ?
R.: Là on s'aperçoit qu'il faut aller à la pêche aux infos et que ce n'est pas toujours évident de démêler le lard du cochon. Une source qui me semble assez fiable : une boite spécialisée de Bruxelles, Charbon Studio, qui a la correction de publier ses tarifs sur son site Internet. Bon, ça reste assez cher, donc si vous avez un court métrage ou que vous avez réalisé un doc avec des copains, il vaut sans doute mieux se rabattre sur du DIY, avec tous les aléas que cela comporte...
Il faudra vérifier toutefois que le prix de la prestation inclut :
1. Le Master, avec tous les fichiers (audio, vidéo, sous-titres, etc.)
2. Le QC (Quality Check) après vérification que tous les problèmes éventuels ont bien été réglés (drop out, synchro, gamma, colorimétrie, etc.)
3. Le transfert du DCP vers une unité de sauvegarde, qui peut être un disque dur acheté dans n'importe quel magasin ou bien une unité professionnelle disposant d'un système de transport sécurisé tel que le DX115, appelé CRU.

Q.: Quelles normes pour le D-Cinéma
R.: Il existe des règles qui varient assez peu selon les pays (la normalisation fonctionne assez bien). L'Academy of Motion Picture Arts and Sciences a adopté les spécifications suivantes pour les DCP :
Video:                24.00 frames per second
Compression:     JPEG2000
Color Space:       XYZ
Video Format:     2K - 2048x1080 container size (1920x1080, 1998x1080, 2048x858 and other image sizes are acceptable)
Audio Format:     24-bit, 48 kHz uncompressed
                            Minimum 3 channels (Left,Right,Center) or 5.1 (L,R,C,LFE,LS,RS)
Audio Channel
Mapping:            1:Left   2:Right   3:Center   4:Subwoofer  5:Left Surround   6:Right Surround
Encryption:         Unencrypted material only

De son côté, la France dispose d'une norme AFNOR NF S 27-100 pour "salle de projection électronique de type cinéma numérique" dont les spécifications techniques sont les suivantes :



 Q.: Dans ce cas, comment puis-je faire un DCP ?
R. : Plusieurs solutions sont disponibles. Il existe des solutions professionnelles, comme celle proposée par Rovi, dénommée Total Code Studio, ou encore easyDCP, qui est intégré aujourd'hui à la toute dernière version de Resolve, la suite d'étalonnage de Blackmagic Design.On pourra aussi s'intéresser à des solutions open source, comme OpenDCP ou, plus facile, DVD-o-matic qui fonctionne plutôt bien, semble-t-il.
Le seul problème (mais il est de taille) avec toutes ces solutions, c'est que le DCP ainsi crée ne peut être réllement testé et évalué que sur grand écran, avec un projecteur D-cinéma. Les DCP utilisent un espace colorimétrique différent de celui intégré à votre moniteur informatique ou vidéo, ce qui signifie qu'il n'est  possible, sur une station de travail, que d'émuler le look spécifique de la projection en salle.

Q.: Où peut-on trouver les spécifications du DCP ?
R.: Dans les documents suivants, SMPTE 428-1-2006 D-Cinema, ISO/IEC 15444-1, SMPTE 428-2-2006 D-Cinema, SMPTE  428-3-2006 D-Cinema


Au final, pour permettre la réalisation du DCP dans une des solutions proposées, il vous faudra le film dans un fichier HD Quicktime ou AVI, compressé au format JPEG-2000, avec les spécifications suivantes :

Video : 24, 25, 30, 48, 50, and 60 fps @ 2K
            24, 25, and 30 fps @ 4K
            24 and 48 fps @ 2K stereoscopique

Format : HDTV 1920x1080 ou 3840x2160 pour du 16:9 (~1,78:1)
              Flat 1998x1080 ou 3996x2160 (~1,85:1)
              Scope 2048x858 ou 4096x2160 (~2,39:1)

Bit rate max. : 250 Mbit/s.
Espace colorimétrique : XYZ
Résolution : 12 bits par pixel (soit 36 bits au total)

Fichier encodé en sortie DCP : H.264 ou Uncompressed

Audio : 3 canaux au minimum (Gauche, Droite et Centre) ou 5.1 (L,R,C,LFE,LS,RS) - intégré dans un fichier Quicktime ou bien fourni dans des fichiers mono 24bits/48kHz/96kHz, WAV ou AIFF

Mapping Audio : 1:Gauche, 2:Droite, 3:Centre, 4:Subwoofer, 5:Surround gauche, 6:Surround droite