Quelques
éléments de réflexion sur l’évolution des métiers et la formation :
-
D’abord,
il faut préciser le contexte : audiovisuel, industries cinématographiques,
production institutionnelle et multimédia… Qu’est-ce que cela veut dire ?
-
Ensuite,
il faut dire ce que l’on entend par « métiers » : ce terme
recouvre-t-il une spécialité, des savoir-faire, des compétences… bien
identifiés. Ou bien fait-il référence à un secteur d’activité spécifique :
la production cinématographique, le multimédia, l’intégration web, la gestion
et la diffusion des médias, etc.
-
Enfin,
quel que soit le secteur d’activité considéré, il faut s’interroger sur les
évolutions à court et à moyen terme : d’abord l’impact des transformations
économiques sur la structure elle-même et sur l’emploi (effet du « Big
bang » de l’audiovisuel en 1982, soutien massif aux industries
cinématographiques, concentrations, délocalisations, transformation des statuts
et des conditions de travail…)
-
Et
bien sûr l’impact des évolutions technologiques sur les conditions de la
production (cinématographique et audiovisuelle), sur la structure industrielle
elle-même (les entreprises et leur champ d’activité) et sur l’emploi (les
métiers, les évolutions professionnelles, les besoins en formation…)
Une
fois qu’on a posé ces quelques idées, on peut commencer à cerner les secteurs
d’activité et le rôle de la formation – ou du moins essayer de situer les
formations de type technologique dans ce contexte. Donc, bien évidemment,
plusieurs questions :
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Impact
général des transformations technologiques sur les qualifications, les
compétences et les emplois
-
En
parallèle : impact de la technologie sur l’infrastructure technique de la
télévision (la télévision considérée comme étant le « network »,
c'est-à-dire le réseau de distribution et de diffusion des programmes)
-
Mais
aussi : impact de la technologie sur la fabrication des programmes
(comment le montage non-linéaire et les structures de production en réseau ont
transformé les conditions de la post-production image et son, comment
l’apparition du cinéma numérique est en train de changer définitivement le
rapport des techniciens et de la production à l’image de film elle-même,
comment le Web est en train de changer le rapport des diffuseurs aux contenus,
à leur accès et à leur présentation…)
En
fin de compte, quel est le rôle de la formation, et singulièrement de la
formation aux techniques, dans un contexte où on pourrait parler d’une
structure socio-technique en mutation ?
-
Donc,
il faut essayer de dresser un constat : adaptation et adaptabilité des
formations (autrement dit, les formations sont-elles adaptées et/ou
adaptables ?), contenu des formations (est adéquat, doit évoluer, est à
réévaluer complètement…)
-
Structure
des formations : bac + 2, bac + 3… Définition des spécialités (des
options, mais autour de quelle définition des « métiers » ? Un
tronc commun, pour qui et pour quoi ?)
-
Relations
avec l’industrie : à qui s’adressent ces formations ? Quel est le
lien entre les besoins en formation des entreprises et l’offre actuelle,
publique et privée ?
-
Et
donc forcément la question : à quoi ressemble la structure industrielle
actuelle de l’audiovisuel ? Avons-nous d’un côté des producteurs et de l’autre
des distributeurs et des diffuseurs ? Peut-on être à la fois producteur et
diffuseur ? Quelles sont les implications en termes d’emploi et de
formation ?
-
En
réalité, entre la production et la diffusion/distribution il y a un troisième
secteur à considérer, celui des services de post-production (montage, mixage
audio, étalonnage, duplication, maintenance… et même développement) qui est
peut-être aujourd’hui celui dans lequel les perspectives d’emploi et les
besoins en formation sont les plus importants. Et paradoxalement c’est là où,
semble-t-il, les formations à l’audiovisuel ont le plus de mal à définir des
axes d’acquisition de connaissances et de qualifications en rapport avec les
besoins du secteur.
-
Partant,
une question (parmi d’autres) pourrait être la suivante : doit-on
continuer à définir des axes de formation à partir des métiers, ou bien cette
vision classique doit-elle laisser place à une formulation en termes
d’acquisition de compétences ?
-
Autrement
dit (pour être clair) : on continue à former des « opérateurs de
prise de vues » ou bien on forme des techniciens dans un cursus modulable
(et forcément plus étendu) dans lequel « une certaine formation »
à l’image (laquelle ?) est une option parmi d’autres : c'est-à-dire
qu’ici, il faut très certainement remettre en question l’axiome fondateur de
« la caméra » pour lui substituer une vision élargie de « Gestionnaire
technique des données Image » ; autrement dit quelqu’un dont les
compétences s’étendraient des conditions matérielles de la prise de vues
(préparation technique et maintenance des équipements, contrôle du signal et
des données) à la gestion des médias
enregistrés (et donc à leur suivi en post-production : étalonnage,
encodage, gestion des métadonnées…). Tout ceci devient très réel dès que l’on
s’intéresse aux conditions de travail entraînées par les développements
conjoints de la HD
et du cinéma numérique… On continue à former des « monteurs » ou bien
on intègre, dans la post-production, l’idée qu’un technicien est amené à faire
du montage mais aussi de la duplication, de la mesure de qualité, de l’encodage
pour différents supports de diffusion ainsi que la gestion des médias en
réseau… Par ailleurs, peut-on penser vraiment à former des techniciens de
« direct » lorsqu’on sait que le tournage d’émissions en direct, à la
télévision, est tributaire des conditions locales de la production, d’une
expérience acquise sur le terrain et de compétences spécifiques sur les
équipements utilisés ? Dans ce dernier cas, il semble plus réaliste de
spécifier un axe de formation à dominante technologique, plus en accord avec
les besoins réels des secteurs spécifiés plus haut, et aboutissant à une
qualification de type « Ingénieur système » à bac + 3 (au moins).
Bien entendu, les priorités de la formation actuelle (particulièrement en STS)
devraient être revues, sans doute dans le sens d’une prise en compte de
l’évolution des infrastructures techniques de la production, de la
post-production et de la diffusion : solutions de fabrication (habillage
graphique, archivage et consultation du signal), technologies de stockage et de
partage des médias, gestion de la diffusion (contrôle, distribution du signal),
solutions de transmission du signal (ATM, Internet, BLR, réseaux mobiles…),
encodage et gestion des formats (dans le cadre des spécifications MHEG/MHP),
gestion des métadonnées (acquisition, archivage, distribution, transmission…).
On
voit bien que la liste est longue dès que l’on entre dans les spécificités de
chaque « métier » pour dresser une liste des compétences à acquérir.
Il paraît plus réaliste, à terme, d’adopter une approche transversale des
questions de formation technique à l’audiovisuel : abandon des spécialités
liées à une perception historique des métiers de l’audiovisuel, retour à un
socle technique et scientifique en rapport avec les développements conjoints
des techniques informatiques et des réseaux dans les secteurs de l’audiovisuel
et de la production cinématographique, modularité de la formation (avec la
possibilité, par exemple, d’effectuer un cursus diversifié : acquisition
d’une spécialisation de type « Ingénierie des médias et Image » pour
certains, « Post-production
audionumérique et création multimédia » pour d’autres, etc. Bien
évidemment, il est difficile de définir ici vers quels cursus on pourrait
s’acheminer. On peut simplement montrer quelques directions…
Une
nouvelle définition des qualifications et des compétences à acquérir dans un
cursus technologique lié à l’audiovisuel et à la gestion des médias ne remet
pas réellement en cause les spécialités professionnelles actuelles existant à
la télévision et dans la production cinématographique : ainsi, pour les
techniciens de la production audiovisuelle (convention collective de 1988), un
Ingénieur de la vision demeure une option professionnelle reconnue, de même
que, dans la filière Image, un Superviseur d’effets spéciaux ou un Opérateur
spécial (Ex. : Steadicamer) ont toutes les raisons d’exister. Ce sont les
voies d’accès à ces métiers qui doivent être revues et probablement disparaître,
en tant que telles, des cursus des formations technologiques longues.
R. Gestalt
20/03/2009
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