lundi 1 juin 2015

Aja, Sony, Blackmagic Design... 4K battle

Après la PXW-FS7 de Sony, puis les annonces de Blackmagic Design concernant la nouvelle URSA Mini et la Micro Cinema Camera, les deux fabricants ayant adopté des politiques de prix agressives (Blackmagic surtout), AJA n'avait pas d'autre choix à part mettre à jour ses propositions tarifaires autour de sa caméra CION
Voila qui est fait, avec une proposition "estivale" à 4995$, sachant que là aussi il ne s'agit que d'une base caméra et qu'il y a encore plusieurs accessoires à rajouter pour disposer d'un système complet.
Il n’empêche : la CION devient du coup très attractive, car son prix de revient, avec viseur, poignée et adaptateur batterie ne devrait plus être très éloigné de la FS7, bien que ces deux caméras demeurent sensiblement plus chères qu'une URSA Mini équipée.
On notera aussi qu'AJA en profite pour baisser aussi les prix de sa gamme d'enregistreurs Ki Pro, mettant par exemple le Ki Pro Quad à 2995$.
C'est Canon qui reste désormais loin derrière en termes de prix, puisque la C300 MarkII est proposée à 16000$, et l'enregistrement 4K DCI en interne ne suffit pas à faire la différence. En effet, Blackmagic propose le 4K 16:9 (4096x2304) ou 4K 2.4:1 (4608x1920) sur l'URSA Mini 4.6K et CION le 4K DCI (4096x2160). La FS7 de Sony est supposée pouvoir enregistrer en 4K DCI avec une mise à jour du firmware.
(Tous ces prix sont à rapporter bien sûr en €, sachant qu'il y a désormais une quasi-parité Euro-dollar)
On notera cependant que les seules caméras capables d'enregistrer du RAW en interne sont celles de Blackmagic Design. Encore s'agit-il d'un RAW compressé (Cinema DNG, le format mis en avant par Adobe), et les puristes trouveront sans doute cela insuffisant. Toutes les autres caméras doivent passer par un enregistreur externe, ce qui alourdit bien sûr la configuration.
C'est peut-être pour cela, d'ailleurs, que la petite Pocket Camera de Blackmagic Design a été utilisée sur deux (très) grosses productions hollywoodiennes, pour filmer des plans qui demandaient une très grande mobilité, comme ce fut le cas dans la séquence d'ouverture de Mad Max Fury Road ou dans certaines séquences d'Avengers Age of Ultron.
En tous cas la course aux prix est lancée, et ce ne sont pas les cinéastes "indie" qui s'en plaindront...
NOTE : Une comparaison intéressante est effectuée sur Wolfcrow, le site de Sareesh Sudhakaran, entre plusieurs caméras 4K, légères, ergonomiques et dont le prix en configuration complète se situe en dessous de 10K$.



samedi 2 mai 2015

Qu'est-ce qu'un Opérateur Vision / DIT ?

Il arrive parfois qu'on se souvienne avoir exercé une profession (Ingénieur de la Vision) pendant un certain temps, et lorsqu'on apprend, un beau matin, que certains anciens collègues partent à la retraite, on se dit qu'il est peut-être temps de regarder en arrière et de faire le bilan des transformations de la spécialité, en studio et sur les lieux de tournage.
On distingue habituellement entre les postes d'Ingénieur de la Vision et d'Opérateur Vision (ou D.I.T en anglais, pour Digital Imaging Technician). Le premier, se référant à un travail effectué pour l'essentiel en studio de télévision ou en car régie, se caractérise par l'étalonnage en direct de plusieurs caméras, et dans le jargon on appelle cela "raccorder" les caméras entre elles. Le travail de l'Ingénieur de la Vision est dérivé de celui du Chef d’équipements, ce qui était la dénomination habituelle du technicien responsable des équipements en salle technique à l'époque de l'ORTF. Depuis, les équipements en question se sont diversifiés, l'informatique est entrée en force dans les régies de production, et de nouvelles spécialités sont venues réduire le champ d'action des "équipements", les techniciens se trouvant dès lors cantonnés au réglage des caméras, et devenant plus spécifiquement des 'Ingénieurs de la Vision'.
Sur les lieux de tournage, en revanche, l'évolution vers le cinéma numérique a eu pour conséquence de poser la question de la définition du périmètre des compétences des Chefs opérateurs, dans la mesure où la complexité des normes en vidéo HD et la multiplication des réglages possibles sur une caméra leurs posaient de réels problèmes de compréhension en termes des possibilités d'une caméra, et aussi des questions d'adaptation lorsqu'on passait d'une caméra d'une certaine marque à une autre. Il est devenu notoire, depuis quelques années maintenant, que ce ne sont plus des problèmes de marque de pellicule ou de type d'optiques qui se posent, mais plutôt des questions qui touchent à l'image obtenue, en direct, sur le lieu du tournage, à mettre en relation avec une image virtuelle (si on peut dire) à composer en post-production, mais dont tous les paramètres techniques devraient déjà être posés pendant le tournage.
Jean-Charles Fouché avait bien posé les termes du problème en introduction à un petit livre lumineux, HD et D-Cinéma Comprendre la révolution RAW, paru en 2010 (déjà !) : "On a longtemps pensé que les technologies numériques allaient rendre les outils plus simples à utiliser : on se trompait, ils deviennent de plus en plus complexes, et il faut de plus en plus penser le film dans la globalité de son flux de fabrication (le fameux Workflow), de la captation à la diffusion, en passant par la post-production : une grande partie de la "sculpture" ou de la "peinture" de l'image est prise en charge en post-production, en complément du travail effectué en production via la lumière et les réglages de la caméra"
Cependant, les normes du cinéma numérique elles-mêmes ont demandé une adaptation des équipes et la mise en œuvre de nouvelles pratiques en tournage, car elles diffèrent des normes de la vidéo SD puis HD, telle qu'on la pratique dans un environnement dit "broadcast". On a bien compris désormais que le travail dans la norme DCI 4K, avec l'espace couleur X, Y, Z et une quantification minimale sur 12, voire 14 bits, ainsi qu'une image 24P étaient fondamentalement différents du "compromis" ITU REC.709, avec sa quantification sur 8 ou 10 bits et sa cadence 50i ou 25P. La question c'était donc ou bien produire rapidement un "positif" numérique prêt à diffuser, dans la norme "contrainte" du REC.709, ou produire pour la post-production, c'est à dire enregistrer une image en RAW, ou simili-RAW, ou encore en RAW compressé, en quelque sorte produire un "négatif" numérique qui sera ensuite traité dans le "laboratoire" de la post-production.
C'est évidemment cette deuxième solution qui a conduit à l'"émergence d'une nouvelle profession" (pour paraphraser le titre d'un article du regretté Alain Derobe, dans Sonovision-Digital), celle d'Opérateur Vision.
Les conditions d'exercice de cette profession sont, on l'aura compris, fondamentalement différentes de celles de l'Ingénieur de la Vision en régie vidéo. En effet, là où l'Ingénieur Vision doit délivrer une image polie, lumineuse et prête à consommer - si on peut dire -, l'Opérateur Vision doit chercher à enregistrer un flux le plus riche possible en informations, sous forme de fichiers qu'il faudra ensuite traiter en post-production. Autrement dit, il ne sera pas possible, sur les lieux du tournage, d'obtenir un retour image qui soit le plus proche possible du rendu final. Pour pallier à une situation qui pourrait ramener les équipes (directeur photo et réalisateur surtout) aux temps de la production en film, avant même la disponibilité du retour vidéo en assistance, on a donc pris l'habitude de délivrer en parallèle une image HD, qui permet de régler déjà certains paramètres lumière et colorimétrie. Et qui, d'autre part, contribue à rassurer les réalisateurs !
Il a donc bien fallu s'adapter à cette double contrainte et le rôle du D.I.T (Opérateur Vision) s'en est trouvé renforcé puisqu'il est devenu une sorte de super-technicien image sur le tournage de toute production nécessitant l'emploi d'outils propres au cinéma numérique et, de facto, le premier assistant technique du Chef Opérateur.  Cette technicité nécessite désormais l'utilisation on set de systèmes assez complexes et pas forcément faciles à transporter (voir schéma et références à la suite), mais surtout, on voit désormais réaliser pendant le tournage des réglages d'étalonnage qui permettent de sculpter l'image avant même la phase de post-production (ce qui peut paraitre en contradiction avec le schéma de flux de production que nous avions décrit plus haut, mais au cinéma, plus encore qu'en production télévision, ce sont les pratiques qui déterminent, en fin de compte, les usages).

Schéma de principe de la roulante d'un DIT pendant un tournage (Courtesy : AbelCine Technica)

On pourrait penser que le D.I.T a remplacé le premier assistant. Il n'en est rien, mais les tâches de ce dernier s'en sont trouvées modifiées, en particulier dans le registre de plus en  plus étendu des essais caméra. A côté des essais optiques traditionnels (tirage optique, auto-collimateur, mire de netteté), l'assistant doit désormais se charger de réglages de colorimétrie qui nécessitent l'utilisation de chartes Macbeth et d'oscilloscope-vecteurscope, le contrôle et le réglage des moniteurs HD et maintenant 4K, la configuration de la caméra pour le tournage, la vérification des accessoires avant le tournage. Pendant le tournage, l'assistant peut être amené à suppléer le D.I.T en effectuant, par exemple, le contrôle de l'exposition à l'oscilloscope et certains réglages sur la caméra qu'il est supposé connaitre parfaitement. On peut donc penser que les fonctions de D.I.T et de premier assistant se complètent, sans nécessairement se recouper, tout dépend bien sûr de l'importance du tournage et de la manière dont les tâches sont attribuées.
A lire : un  article particulièrement éclairant sur le site No Film School
Voir aussi ce commentaire sur le site de Ben Cain, Negative Spaces