lundi 14 avril 2014

'Her' (Spike Jonze) et l'ubiquité

'Her' de Spike Jonze, propose une vision assez intéressante de ce qui arriverait (pourrait arriver ?) si un système d'exploitation informatique disparaissait, en "laissant tomber" en quelque sorte l'ensemble de ses utilisateurs. Bien sûr, ce n'est pas là un thème central du film, mais à un certain tournant de l'intrigue c'est bien à cette situation que le personnage principal (incarné par Joaquin Phoenix) se trouve confronté.
On peut aller plus loin en se demandant ce qui arriverait si tous les systèmes d'exploitation des ordinateurs disparaissaient d'un seul coup. Alors que Spike Jonze n'évoque cette hypothèse que dans le cadre d'une évolution menant au suicide une certaine forme de vie artificielle - ou plutôt d'intelligence artificielle - représentée sous la forme d'un système d'exploitation aux capacités d'apprentissage apparemment illimitées, le shut down généralisé pourrait quand à lui survenir à la suite d'une contamination quelconque des systèmes, à laquelle il serait impossible de remédier.
La perspective d'une catastrophe de cette ampleur, qui signifie tout simplement qu'un beau matin, on allume son ordinateur ou son téléphone "intelligent" et qu'on se retrouve devant un écran vide et silencieux, reste évidemment une vue de l'esprit, mais peut-on pour autant la négliger même si on n'est pas un amateur de science fiction ?
Le film nous amène à aborder aussi une autre problématique, celle qui concerne la tendance à essayer de donner à tout prix des caractères anthropomorphiques aux créations mécaniques issues de l'esprit humain. Ainsi pourrait-on comprendre le fait même d'inventer une relation humain-machine venant suppléer, en quelque sorte, à la vacuité de celles existant entre humains. 
Mais l'aspect le plus fascinant du film reste qu'il nous oblige peut-être à repenser la notion d'information, puisque c'est un flux interminable d'informations qui s'écoule de la machine vers l'homme et de l'homme vers la machine, l'un comme l'autre se régénérant et évoluant à travers cet échange. Ce qui ne va pas toujours sans heurts ni "catastrophes", comme le montre l'épisode, hautement symbolique, de la tentative effectuée par Samantha pour "se donner un corps".
L'information telle qu'on peut la comprendre, et en suivant en cela Gilbert Simondon, "n'est pas une chose, mais l'opération d'une chose arrivant dans un système et y produisant une transformation. L'information ne peut se définir en dehors de cet acte d'incidence transformatrice et de l'opération de réception.(...) La réalité locale, le récepteur, est modifiée en son devenir par la réalité incidente, et c'est cette modification de la réalité locale par la réalité incidente qui est la fonction d'information." (Communication et Information, Ed. de la Transparence, 2010, p.159)
Pour qu'un cerveau humain soit capable d'interpréter un document, il doit comprendre dans quelle langue il a été écrit. Il faut donc qu'il ait été instruit au préalable. C'est ainsi que, alors que la théorie de Shannon se focalise sur l'émetteur, l'information au sens de Simondon se focalise elle sur le récepteur, qui est jusqu'ici le cerveau humain. Il importe donc que le récepteur soit instruit pour comprendre les messages de l'émetteur, car sinon ce dernier émettrait dans le vide.
Mais d'où vient alors le message original, celui ayant permis l'instruction préalable du récepteur ? Dans le film de Spike Jonze, la difficulté est résolue par la notion de système évolutif qui, dans un automate programmable tel que 'Samantha', permet à celui-ci d'évoluer par auto-apprentissage jusqu'à atteindre, peut-être, les rivages de connaissances ultimes : la "résurrection" du philosophe Alan Watts est, à cet égard, significative car elle survient à un moment qui annonce le tournant final du film.
Cette capacité d'un système informatique à apprendre et à évoluer est évidemment l'un des principaux objets de recherche de l'Intelligence Artificielle et un des thèmes de prédilection de la Science Fiction (on se souvient de la trilogie Singularité, de Robert J. Sawyer). On sait pourtant que les systèmes actuels sont encore loin de pouvoir mettre en œuvre ce programme, qui est celui d'un réseau évolutif, ubiquitaire et capable d'auto-apprentissage. Un système doté de capacités qui lui confèrent des qualités proches de ce que nous pourrions appeler une conscience.

2 commentaires:

  1. Tous les services secrets du mon monde travaillent sur ce sujet. La guerre électronique a déjà commencé. Les Israéliens ont pénétré le système d'exploitation des centrale nucléaires Iraniennes et fait exploser, par surrégime, les centrifugeuses d'enrichissement. Si les meilleurs hackers sont recrutés par les "services", ce n'est pas par hasard...

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    1. Encore que je ne pense pas que Spike Jonze regardait vraiment de ce côté là de la question...

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