lundi 15 février 2016

Spectaculaire optique : les pionniers oubliés de la réalité virtuelle



The forgotten ancestors of virtual reality, par Barnabas Nanay sur le site INDE : http://www.indestry.com/blog/2016/1/7/the-forgotten-ancestors-of-virtual-reality

INDE est une société britannique spécialisée dans la création d’environnements de réalité augmentée et de réalité virtuelle à destination de musées, d’évènements ‘corporate’ et pour une intégration dans la production cinématographique commerciale.
Sur le blog du site d’INDE se trouve cette contribution de B. Nanay sur les panoramas mobiles, invention du 19ème siècle qui ne concerne donc pas directement l’activité de cette société mais qui présente un intérêt sur le plan historique, car elle met en perspective la fascination qu’ont exercée sur les foules les innovations technologiques dans le spectacle depuis les débuts de l’ère industrielle. Les panoramas étaient en quelque sorte une expérience ‘multimédias’ pour les publics du 19ème siècle. Dans leur forme la plus élémentaire, ils étaient composés d’énormes rouleaux de canevas peints qui étaient déroulés devant le public. Un ou plusieurs comédiens se chargeaient de l’interprétation des scènes ou de lire simplement des commentaires, pendant que l’on jouait de la musique et que des techniciens se chargeaient de la production d’effets visuels ou sonores.
L’auteur nous décrit plusieurs sortes de panoramas mobiles, en commençant par le travail de peintre et d’illustrateurs de la fin du 18ème siècle, qui présentaient leurs réalisations sur des surfaces cylindriques. Le développement des panoramas, en tant qu’attractions spectaculaires payantes susceptibles d’attirer des foules, va donner lieu à de multiples variantes : cosmorama, noctorama, paleorama voire mareorama, dont un exemple sera mis en œuvre pendant l’exposition Universelle de Paris, en 1900.  Les technologies des panoramas elles-mêmes ont évolué tout au long du 19ème siècle, particulièrement à partir de l’invention de la photographie. Ils disparaitront progressivement, cependant, à mesure que leur plus sérieux concurrent, le cinématographe, se développera et s’établira en tant qu’industrie culturelle dominante.
Les panoramas sont présentés par l’auteur comme étant les ancêtres des systèmes immersifs qui se développent de nos jours, et qui semblent trouver des applications jusque dans les musées : http://www.bbc.co.uk/rd/publications/whitepaper212
La perspective historique de l’article s’arrête là cependant, alors que le sujet pourrait permettre de développer une réflexion autour de cette curieuse récurrence du spectaculaire optique depuis les débuts des sociétés industrielles et jusqu’à nos jours. L’historien des médias Erkki Huhtamo a étudié cette question dans une perspective culturelle, à partir justement de la fascination renouvelée des publics pour ce qu’il a désigné comme des « illusions en mouvement »[1]. Huhtamo a effectué des recherches, en particulier grâce à Google Books, qui lui ont permis de retrouver des ouvrages et des documents oubliés depuis longtemps[2]. Ceci lui a montré, dit-il, « à quel point le panorama mobile avait eu une influence sur la culture populaire de l’époque en tant que phénomène discursif. » Et Huhtamo poursuit : « J’ai profité de bien d’autres bases de données en ligne, aussi mon livre est devenu une contribution au champ émergent des humanités numériques.»
Il est intéressant de voir comment notre propre conception de la modernité et de ses artéfacts, dispositifs, etc. ne peut se défaire d’un retour sur des machines qui mettent en œuvre une ‘mécanique’ de la représentation qui semble fonctionner autour de quelques idées fortes, telles que : immersion, interaction, ou illusion. C’est le cas de nombreuses installations intégrées dans des parcs d’attraction. Le « tumulte » d’Andreas Koch, mis en œuvre par la société Cortex[3], à Angoulême, en est un exemple frappant. Le « tumulte » n’est rien d’autre qu’une version numérique et circulaire du panorama. L’effet immersif est assuré par une certaine dose d’interactivité (par le biais des capteurs des Kinects disposées tout autour de l’installation) et la stéréoscopie devenue l’argument ultime, bien que déjà daté, pour accentuer l’effet de réalité.


[1] Erkki Huhtamo, Illusions in motion: media archaelogy of the moving panorama and related spectacles (Cambridge (Mass.), Etats-Unis d’Amérique, 2013).



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